Macao ou les vestiges d'un paradis perdu.
MACAO.
Ce nom résonne toujours dans ma tête malgré les années qui se sont écoulées. Je ne veux évidemment pas parler de la ville éponyme, mais de cette salle d'arcade dont je vous parle depuis plus de 15 ans maintenant dans mes petites histoires. Macao était situé à proximité des premières pistes de ski de la Station Les Deux Alpes.
Je l'ai fréquenté pendant plus de dix ans, quatre fois par an, à chaque vacance. C’était indéniablement le rendez-vous à ne pas manquer. Son parfum imprégné d'un subtil mélange de fumée et de transpiration, ses sons numériques mêlés aux notes de Depeche Mode, The Police et bien d'autres, ses bruits de pièces qui tombent à l'intérieur des bornes.
La première fois que j'y ai mis les pieds, c'était en 1980. J'avais alors seulement 10 ans. Je n'y allais bien évidemment pas tout seul ; mes parents et mes oncles étaient encore jeunes et découvraient, comme moi, les joies du jeu vidéo qui prenait lentement place dans nos quotidiens. Mon père et mon oncle jouaient souvent à un jeu de balltrap appelé Shoot Away II et un autre qui me fascinait, car c'était un jeu de tir avec de véritables séquences de film, il s'appelait Mac Dog McCree.
Mes deux autres oncles, plus jeunes, étaient de véritables fans de flippers, notamment mon oncle Gino qui dépensait une fortune dans celui qui avait pour thème Space Invaders. Quant à moi, je parcourais les premières bornes de Donkey Kong, PacMan, Centipède, Galaga, Galaxian et bien d'autres.
Plus tard, aux environs de mes 13 ou 14 ans, j'ai pu m'émanciper un peu, et avec mon jeune cousin Bicou, nous étions libres d'y aller seuls après le ski. C'est à cette époque que j'y ai découvert le jeu qui allait changer ma vie de joueur : Dragon's Lair.
Ce jeu m'a littéralement happé. J'y ai dépensé une véritable fortune et des nuits blanches entre vacances, à me remémorer les mouvements de chaque tableau appris par cœur afin de ne pas les oublier. Finalement, après deux longues années de travail acharné, j'ai tué enfin ce maudit Dragon et libéré la princesse Daphné.
C'est à Macao que j'ai découvert la plupart des jeux vidéo sur borne d'arcade dont je vous relate les histoires. Les plus célèbres d'entre eux, en tout cas : Ghosts'n Goblins, Track'n Field, Marble Madness, Karate Champ, Operation Wolf, Jungle King… La liste est longue, très longue même.
Lorsque je repense à ces années passées dans cet antre, j'ai encore en mémoire les images exactes de son intérieur. Cette porte battante recouverte d'une buée éternelle par laquelle s'engouffrait cette odeur inoubliable qui contrastait avec l'air pur extérieur.
Son bar sur la gauche où nous allions réclamer nos pièces de monnaie en échange de nos billets de 50 ou 100 francs, selon si les résultats scolaires avaient suivi. Ses deux grandes allées avec ses bornes alignées côte à côte sur l'allée de droite, pareil pour celle de gauche à la différence que celle-ci avait sur sa droite une série de flippers. Et enfin, au fond, alignés face à nous, les grands jeux comme celui du balltrap cité plus haut ou plus tard des jeux de course de voitures bien plus imposantes que le reste.
Quelques fois lorsque je ferme les yeux pour essayer de me remémorer tout cela, j'arrive à entendre les bruits de chacun des jeux, les conversations des skieurs venus se défouler après une grosse journée sur les pistes. Et surtout, je me souviens de cette sensation lorsque l'on respirait enfin l‘air frais en sortant pour rentrer à notre appartement. Cette bouffée d'oxygène qui nous brûlait les poumons et accompagnait le bourdonnement incessant de nos oreilles qui retrouvaient peu à peu les joies du silence.
Le silence, le froid, la neige, les vacances… Le bonheur à l'état pur.
Et puis, comme tout a une fin, c'est en 1992, lors d’un road trip avec mon plus jeune oncle, que je l'ai visité pour une dernière fois sans le savoir. Quelques modèles de bornes japonaises avaient fait leur apparition, mais l'ambiance était toujours au top. Même si l'on ne retrouvait pas celle des années 80, les débuts des années 90 annonçaient de belles choses.
Aujourd'hui, les allées de bornes d'arcade ont été remplacées par des rayons de surgelés. Les joueurs acharnés par des familles remplissant leurs caddies et les mélodies 8-bit par des sons de caisses enregistreuses. C'est triste de voir son lieu culte se transformer en supermarché. On a l'impression que c'est une partie de notre histoire qui part en fumée. Les derniers vestiges d’un paradis perdu.
J'aimerais sincèrement retrouver des personnes qui ont connu Macao, je pense notamment à GAG et à sa sœur Nancy, qui étaient les enfants du patron, et puis aussi Franck, Charly, Virginie, Agnès et bien d'autres dont j'ai malheureusement oublié le prénom.
Macao restera pour moi ma salle d'arcade de référence, celle qui a formé le passionné que je suis aujourd’hui, celle qui m’a vu grandir et surtout celle qui a marqué au fer chaud mes souvenirs afin que ma plume puisse lui rendre hommage à travers mes textes.
Merci Macao.